Le bas-débit à bricoles: Coupures pub sur M6

02 mars 2006

Coupures pub sur M6

Merci à Télérama

Capital, émission-phare de M6 présentée par Guy Lagache, a déjà subi la censure pour d'autres sujets que celui de la Française des Jeux.

Peu favorable à l’annonceur, un reportage sur la Française des Jeux a été remanié en catimini par la direction. Un sérieux dérapage alors que la Six prétend doper son créneau information.

On ne peut pas dire qu’ils n’étaient pas prévenus. En 2002 déjà, l’ancien directeur de l’information de M6, Philippe Laby, faisait passer le message aux journalistes de Capital : « Comprenez bien qu’on ne peut pas scier la branche sur laquelle on est assis ! » Un appel au bon sens commercial qui légitimait alors le remaniement musclé d’un reportage incriminant plusieurs marques de cosmétiques – certaines appartenant à L’Oréal, dont les spots garnissaient déjà copieusement les plages de pub de la chaîne. L’auteur y précisait que ces entreprises avaient profité du passage à l’euro pour gonfler leurs prix de plus de 10 %. Une biffure priva les téléspectateurs de cette pertinente observation ; le reste du commentaire fut écrit sous contrôle de la hiérarchie.

Echaudés mais déterminés, les journalistes du magazine Capital décidèrent cependant de continuer à faire leur travail. Les directeurs de l’information de M6 aussi. Ainsi, lorsque, le 8 février dernier, la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne, réunie en assemblée générale, demanda à Jérôme Bureau, successeur de Philippe Laby, s’il s’engageait à garantir l’indépendance de la rédaction face aux annonceurs, celui-ci répondit : « au cas par cas ». Un élan de franchise pour le moins déconcertant à l’heure où la chaîne dit vouloir se renforcer dans le secteur de l’information ; et qui montre que, sur M6, la liberté d’informer s’arrête parfois là où commencent les intérêts commerciaux du groupe. Démonstration.

Trois jours plus tôt, le 5 février, les téléspectateurs de Capital s’attendaient à voir un reportage sur la saga des jeux de grattage. Ils durent se contenter d’une version light et non signée. Et pour cause : l’auteur avait refusé que son nom soit accolé à un sujet amputé de huit minutes et flanqué d’un commentaire réécrit. Un résultat bien différent de l’excellente enquête de Gilles Delbos – que nous avons pu visionner – mettant en cause les pratiques de la Française des Jeux. Les auteurs de ce coup de baguette magique ? Le directeur de l’information et son adjoint, Thomas Reboulleau. Samedi, à la veille de la diffusion, le duo débarque à M6 dans une rédaction quasi déserte, supprime des séquences entières du reportage, réécrit le commentaire. Puis demande à un journaliste de réenregistrer le texte, lui assurant qu’ils ont l’assentissement de l’auteur. En réalité, personne dans la rédaction n’est au courant de cette mission coupe-coupe. Au contraire, jusqu’au vendredi soir, Gilles Delbos, François Ducroux, le rédacteur en chef de l’émission, et Guy Lagache, le présentateur, se sont battus pour maintenir le sujet in extenso, allant même jusqu’à en faire une seconde mouture, moins offensive. Mais, en une semaine, Jérôme Bureau était passé du « bravo ! », lâché au terme d’un premier visionnage, au « ça va pas être possible », sur le conseil de Thomas Valentin, le directeur des programmes.

Alors, que contenait donc de si brûlant ce reportage ? Un scoop. La solide démonstration journalistique que la répartition des lots des jeux de grattage n’est pas aléatoire, comme le déclare la Française des Jeux. Exemple avec le Millionnaire : vendu à l’unité deux euros, chaque billet fait partie d’un carnet de soixante-quinze tickets. Le hasard voudrait qu’on puisse trouver des carnets sans aucun ticket gagnant significatif (vingt ou cent euros, par exemple) et d’autres avec un nombre variable de gains importants. L’enquête démontre, au contraire, que chaque carnet ne contient qu’un seul billet au montant significatif. Autrement dit, dès qu’un gain important sort d’un carnet, les billets restants sont nuls ou porteurs de sommes minimes. « Le principe est le même dans tous les jeux », assure un vendeur assermenté de la Française des Jeux, en caméra cachée. Coupé ! Une buraliste reconnaît qu’une fois le gros lot gagné elle vend des tickets perdants – ou quasi – en toute connaissance de cause. Coupé ! Un autre avoue se réserver les fins de carnet lorsque le gros lot n’est pas encore sorti : « Faut bien qu’il y ait des avantages ! » Encore coupé ! Comme tous les éléments qui créditent la thèse de Robert Riblet, un ancien joueur interviewé par Gilles Delbos, et qui attaque aujourd’hui en justice la Française des Jeux pour « tromperie ». Allégé de son argumentaire, le reportage transforme les déclarations de Robert Riblet en hypothèses isolées et non vérifiées. Et M6 réduit les risques de froisser le quatorzième annonceur du PAF et le vingt-cinquième sur son antenne, à hauteur de 12 millions d’euros en 2005. Elle n’est d’ailleurs pas la seule puisque, le 3 février, Canal+ déprogrammait le numéro de Nous ne sommes pas des anges consacré à la Française des Jeux.

Tandis que la direction de la Six se retranchait, sur le tard, derrière des raisons d’ordre juridique, la SDJ dénonçait, dans un communiqué daté du 6 février, « un niveau de censure jamais atteint ». Car cet acte-là constitue le point d’orgue d’une série de mésaventures du même type. En septembre, Jérôme Bureau se fendait d’un « Renault, ce n’est pas le charcutier du coin de la rue » (mais le dix-huitième annonceur de M6) pour légitimer les sept secondes coupées dans l’enquête consacrée à la Logan, diffusée le 25 septembre. Un concessionnaire y confirmait que si la voiture à bas prix de Renault se vendait en France, les autres modèles du constructeur risquaient d’y perdre des parts de marché. Une petite visite du samedi, et hop, disparu ! En 2000, un sujet remettant en cause la fiabilité des tests de solidité d’Ikea, autre annonceur de la chaîne, faillit bien subir le même sort. Raison officielle : l’exemple montré n’était pas assez représentatif. Emmanuel Chain, directeur de l’information de l’époque, avait alors réussi à obtenir, au terme d’un vrai bras de fer, une seconde diffusion avec une enquête renforcée.

Sur M6, le journalisme est un sport de combat. On peut se retrouver K.-O. par une rafale d’arguments lapidaires et devoir renoncer illico à un portrait de François Pinault (Fnac, La Redoute…) ou à une enquête sur la téléphonie et les fournisseurs d’accès à Internet. On peut aussi, « au prix de batailles dantesques, réussir à passer des sujets malgré le frein de la direction », rapporte un journaliste. Dernier exemple en date : un sujet dévoilant les marges substantielles réalisées par Nescafé avec ses Nespresso, une marque de Nestlé, quatrième annonceur de la chaîne… Pour certains pourtant, le contrôle d’une direction prompte à imposer des sujets marketés se serait accru depuis « l’affaire Afflelou » : en 2001, suite à une enquête qui égratignait ses pratiques, l’opticien avait retiré tous ses budgets publicitaires. « Nicolas de Tavernost [le président de la chaîne, ndlr] nous avait pourtant soutenus à l’époque. Mais on le paye aujourd’hui », estime un reporter, qui, à l’instar de ses collègues, tient à garder l’anonymat.

Dans les rédactions de M6, une chose, en revanche, ne fait aucun doute : à défaut d’apprécier les journalistes, Nicolas de Tavernost ne peut pas s’en passer. Et pas seulement parce que Capital, émission-phare de la chaîne depuis ses débuts, et Zone interdite lui offrent parmi ses meilleures audiences. Dans la course à la concurrence, M6 n’a aujourd’hui plus le choix : après le sport, l’information est le dernier secteur où elle doit se renforcer. En 2004, ce créneau représentait à peine 6 % de ses programmes (contre 12 % sur TF1). Depuis septembre, la chaîne multiplie les déclarations d’intention. Assez rapidement, Enquête exclusive, un nouveau magazine de documentaire, a ainsi succédé à l’inénarrable Docs de choc. Et depuis janvier, la chaîne a fait de son Six minutes de la mi-journée un classique rendez-vous d’information, présentatrice à l’appui (Anne-Sophie Lapix). A part cela, R.A.S. Quant aux projets en cours, motus. Jérôme Bureau ne souhaite pas, pour l’instant, s’exprimer à ce sujet.

« L’info sur M6, c’est vraiment parce qu’il en faut », observe un vétéran de la maison. « Elle doit être spectaculaire, vite faite et ne pas coûter trop cher. » Géographiquement dissociées de la maison mère, les rédactions de Capital, Zone interdite et Secrets d’actualité ont l’impression d’être « le petit village gaulois qui résiste encore aux Romains en cravate ». « Quand on se rend au siège, qu’on voit les plaquettes de communication interne, les panneaux d’affichage, on réalise qu’on appartient à un autre monde. » Entre des journalistes soucieux de remplir leur rôle et une hiérarchie qui change de directeurs de l’information tous les deux ans – et leur greffe un adjoint autrefois responsable de l’étude des audiences, à savoir Thomas Reboulleau –, c’est carrément deux cosmogonies qui s’affrontent. « Ce sont des censeurs pragmatiques, explique un journaliste. Tant que dans les magazines d’info on n’aborde pas les sujets fâcheux, tout se passe bien, et, qui plus est, dans des conditions de travail plutôt rares aujourd’hui : on nous donne du temps et des moyens. Mais dès que les intérêts économiques du groupe rentrent en jeu, alors là, c’est la danse des ciseaux ! M6, c’est vrai, est cotée en Bourse… »

Confrontée à la diversification croissante de la société M6 Métropole Télévision – Football Club des Girondins de Bordeaux, société de production et d’édition, site de vente par Internet MisterGoodDeal –, la chaîne doit se préparer à n’être plus qu’une branche d’activité parmi d’autres.

Quel crédit accorder alors à l’information dans une chaîne privée dont la moitié du chiffre d’affaires provient de la publicité et, pour le reste, en grande partie des produits dérivés de l’antenne ? « En dépit d’une volonté critique réelle des journalistes de M6, on voit mal comment, sur une chaîne commerciale qui vend beaucoup de son temps d’antenne à des pouvoirs économiques, l’information pourrait proposer une autre vision des choses », réagit Julien Duval, chercheur au CNRS spécialiste du journalisme économique et auteur d’une analyse de l’émission Capital (1). « Chaque information est subordonnée à son contexte de production : plus politique sur le service public, plus économique sur les antennes privées. TF1, elle aussi, n’est pas exempte de cas de censure ; simplement, la rédaction a intégré la culture du secret : elle ne porte pas les affaires sur la place publique. » Et à la différence de M6, la Une pourrait même, le cas échéant, se permettre de froisser un ou deux annonceurs. Question de taille : quelle marque pourrait durablement se passer de la puissance publicitaire de la chaîne ? Ce qui ne l’empêche pas d’être très prudente : le 4 février, un jour avant le reportage de Capital, TF1 diffusait au JT de 13 heures un sujet sur le « hasard programmé » des jeux de tirage en prenant soin de s’interroger. Et la Société des journalistes n’existe plus depuis des années à TF1… En attendant, celle de M6 est décidée à ne pas en rester là. Elle pense saisir prochainement le CSA en vertu de l’article 6 de la convention de la chaîne, qui oblige le groupe M6 à garantir « l’indépendance de l’information à l’égard des intérêts économiques de ses actionnaires ».

Florence Broizat

1 Comments:

At 11:57 PM, Anonymous Anonyme said...

bonsoir moi je conseillerai à mr RIBLET de rester maitre du jeu il y a des formulaires chez les détaillants de la française des jeux je pense qu'il n'a plus gagné de grosses sommes au jeu depuis 2001 et de là à prétendre qu'il y a de l'arnaque c'est démesuré il essaie d'une autre façon de se faire du fric en plus il a les médias qui s'y mettent (bonjour) il n'y a pas pire qu'eux pour faire tomber quiconque de son piédestral c'est vrai que si les sujets n'étaient pas brodés par eux certaines revues ne contiendraient que deux ou trois pages ce qui indigneraient les lecteurs .Cela fait onze ans que mon mari et moi avons un bureau de tabac et croyez moi des gagnants il y en a eu. Il y a des clients qui usent de leur intuition ou astuce pour multiplier leurs chances de gagner c'est comme au loto beaucoup de gens jouent les dates de naissance sans pour autant gagner pour gagner il faut que mme la chance soit là au moment opportun .voilà mon avis .Au fait je joue souvent les dates de naissances de mon mari et à ce jour je n'ai pas gagné au loto dois- je porter plainte contre mon mari, ma belle-mère ou mon beau-père merci de m'aider à résoudre mon problème et c'est là que commence la stupidité .hi.hi.M-JO

 

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